Durant l’automne et l’hiver 1944, la IIIe armée américaine remonte de Nancy vers le Nord de l’Allemagne. Faisant face à une forte résistance, elle bombarde les villages situés sur sa route pour ne laisser derrière elle que des hameaux en ruines. À partir de la fin des années cinquante, les églises démolies sont progressivement reconstruites dans un style moderne plus ou moins affirmé. C’est en rentrant de Strasbourg, un dimanche de l’hiver 2010, que je suis « tombé » sur l’église de Moyenvic. Émergeant de la brume au centre de ce petit bourg, les proportions de l’édifice et sa proximité avec les blockhaus de la Ligne Maginot a immédiatement éveillé ma curiosité. En interrogeant les habitants de la région, j’ai appris que ce bâtiment n’était pas un cas isolé. On m’a cité Dieuze, Lunéville et d’autres bourgades dans lesquelles je pourrai trouver des églises semblables. J’ai aussi ressenti, exprimée à demi-mots, une sorte de résignation face à cette architecture qu’ils n’avaient pas choisie et jamais vraiment acceptée. Ainsi, durant trois ans, j’ai refait le parcours qu’avait emprunté l’armée américaine à la recherche de ce qui, paradoxalement, m’apparaissait être des vestiges de la reconstruction. Et, comme souvent, j’ai cheminé un peu au hasard. Ce travail de recensement, s’il n’avait jamais été effectué et pour captivant qu’il ait pu être, ne représentait pourtant pas à mes yeux l’enjeu principal de cette série de photographies. Il s’agissait d’abord pour moi de décrire une rencontre, dans les circonstances tragiques que nous connaissons, entre cette Lorraine à la fois rurale et industrielle et l’architecture moderne – entre ces paysages austères et ces formes nouvelles. Il fallait rendre compte de ce surgissement, de cette étrangeté et d’une certaine façon de l’incompréhension qui en a découlée. C’était une étrange idée de penser réparer le traumatisme de la guerre avec des édifices coulés dans le même béton que les blockhaus voisins. Passé certains préjugés, elles me semblent plutôt belles : non pas tant ces églises, mais ces rencontres. Ce livre contribuera, je l’espère, à porter un autre regard sur ce territoire dont les églises de la reconstruction sont l’une des singularités. _Eric Tabuchi
Après des études de sociologie où il découvre l’œuvre d’August Sanders, Eric Tabuchi commence son travail photographique. En 1999, en compagnie d’autres artistes, il fonde à Paris le collectif Glassbox avec qui il participe à de nombreuses expositions. À partir de 2007, Eric Tabuchi publie plusieurs livres – Hyper Trophy, Twentysix abandoned gazoline stations, Alphabet truck – chez Florence Loewy. Il expose notamment au Palais de Tokyo, au Confort Moderne et aux Abattoirs. Depuis 2012, il travaille à l’élaboration d’Atlas of Forms – www.atlas-of-forms.net. En 2017, il commence l’Atlas des Régions Naturelles, projet qu’il entend mener ces prochaines années.
Né d’un père japonais et d’une mère danoise, son travail s’articule autour des notions de territoire, de mémoire et d’identité. Les typologies architecturales constituent le principal de son œuvre. En plus de sa pratique photographique, Eric Tabuchi produit des objets et réalise des installations. Eric Tabuchi vit et travaille à Paris. http://www.erictabuchi.net/
48 pages

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