Une enquête sur les enjeux à la fois artistiques et politiques de l’art participatif, depuis les années 1990.
Jeremy Deller propose aux anciens mineurs d’Orgreave de participer à la reconstitution historique en costume de l’émeute ouvrière anglaise de 1984. Javier Téllez organise avec les patients de l’hôpital psychiatrique de Tijuana la propulsion d’un homme-canon par-dessus la frontière américano-mexicaine. Thomas Hirschhorn invite les habitants d’un quartier du Bronx à construire un monument en l’honneur du philosophe Antonio Gramsci. Une peau de cerf sur les épaules, Marcus Coates rencontre les résidents d’HLM à Londres et réalise une consultation spirituelle du lieu, en qualité de chaman.
Ces pratiques artistiques contemporaines forment une nouvelle galaxie étrange, qu’on appellera ici art en commun. Il s’agit de créer dans l’espace social plutôt que dans l’atelier ; sur une longue durée et avec d’autres plutôt qu’en son for intérieur ; de façon collective plutôt que démiurgique. L’œuvre n’est pas le fruit du travail de l’artiste seul, mais celui d’une collaboration en présence entre artiste et volontaires.
Ce dispositif artistique bouleverse notre conception de l’art et nos catégories esthétiques. Mais il revêt aussi une dimension politique, en s’emparant des questions de participation et de communauté qui comptent parmi les enjeux les plus cruciaux des tentatives actuelles de vivification de la démocratie, comme de la reconfiguration de nos manières de vivre.
Cet ouvrage propose d’interroger les liens entre participation en art et en politique dans le contexte démocratique et néolibéral qui est le nôtre. Et de penser comment l’art en commun peut contribuer à la réinvention des formes possibles du collectif.
Estelle Zhong Mengual (née en 1989 à Paris) est historienne de l’art. Ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Lyon, elle est titulaire d’un doctorat en histoire de l’art de Sciences Po Paris. Elle a co-dirigé l’ouvrage Reclaiming Art – Reshaping Democracy (Les presses du réel, 2017) et est co-auteure de Esthétique de la rencontre (Seuil, 2018). En parallèle de ses recherches sur l’art en commun, elle s’intéresse à la manière dont nous pouvons élargir nos formes du collectif au vivant, dans le contexte de la crise écologique. Elle travaille notamment à la constitution d’une histoire environnementale de l’art.
392 pages