À l’intérêt historique de ces entretiens, riches d’informations de première main, s’ajoute un second, théorique : ils conduisent à réévaluer la place de l’éditeur dans la production des livres d’artistes au moment où le genre prend son essor. En effet, les artistes ont souvent déclaré avoir choisi le médium du livre pour s’affranchir des contraintes institutionnelles et du marché de l’art. L’autonomie était le mot-clé. Aussi ont-ils mis en avant le modèle de l’autoédition et minoré l’intervention des éditeurs. Or, les entretiens réunis ici montrent, exemples concrets et anecdotes instructives à l’appui, que ces éditeurs ont été des acteurs décisifs dans l’histoire du livre d’artiste à ses débuts.
Sans doute leur rôle est-il différent de celui de l’éditeur d’art traditionnel : le but de cette enquête est précisément de contribuer à cerner les caractéristiques d’une fonction éditoriale originale. Ainsi sont mis en lumière dix éditeurs non conformistes, qui ont chacun marqué de son empreinte singulière le livre d’artiste en train de se définir.« La question de la relation entre l’artiste et l’éditeur dans le champ du livre d’artiste est moins simple qu’il n’y paraît. Il ressort avec évidence que le couple est asymétrique : l’artiste y tient le premier rôle et là est bien la spécificité de cette relation. Cependant, l’effacement de l’éditeur au profit de l’artiste ne signifie pas sa disparition complète, mais il marque la mutation de sa mission traditionnelle. »
Anne Mœglin-Delcroix