Prise en tenaille par l’architecture et le design, l’architecture d’intérieur
a longtemps souffert d’un manque d’autonomie, de théorisation, et de
considération. Dans cet essai, Javier Fernández Contreras, responsable
du Département Architecture d’intérieur à la HEAD – Genève, propose
une approche originale de son domaine d’expertise, qu’il définit comme
un noeud entre culture architecturale et culture visuelle.
L’auteur pose que notre expérience de l’architecture est autant façonnée
par une relation directe que par un réseau de représentations médiatiques.
Si le cinéma, puis le Web ont accéléré le chevauchement de
ces multiples modes d’expériences et de médiations, l’auteur propose
de resituer ces mutations dans une histoire plus longue. Il fait ainsi
remonter à la Renaissance, avec l’invention des techniques de perspective
et de projection, la médiation technique de la représentation de
l’espace. À l’époque moderne, Le Corbusier a été le précurseur d’une expérience
« multimédiatique » de l’architecture par une pensée cinématique
de l’espace, l’ajout de slogans et d’images qui venaient compléter
l’expérience du bâti. Plus récemment, d’autres architectes comme Rem
Koolhaas (OMA) ont institué cette pratique en se posant autant comme
constructeurs de bâtiments que stratèges en image de marque.
Parce qu’elle se situe entre le temps long de l’architecture et le renouvellement
toujours plus rapide des médias, l’architecture d’intérieur se
présente comme l’un des lieux les plus agiles et influents de la création
contemporaine. Sous la forme d’une enquête historique des relations
et hybridations entre objets et images, le texte de Javier Fernández
Contreras délivre un plaidoyer pour l’architecture d’intérieur comme
laboratoire transdisciplinaire de notre modernité tardive.
L’ouvrage s’accompagne d’une riche iconographie en lien avec des moments
clés de la mise en espace de l’image dans l’art et, parallèlement,
des nouveaux modes de représentation de l’architecture, qui passe par
les plans d’une villa palladienne, l’avant-garde cubiste en peinture, l’architecture
comme propagande d’Albert Speer, ou la mise en scène de la
vie familiale selon IKEA.