Nul mieux que le cinéma ne renseigne sur nos manières de voir qui se développent et se transforment sous nos yeux. Regarder sa main, détourner d’elle son regard, attraper l’œil, percer les yeux, enfin toucher pour voir, sont des gestes que le cinéma réinvente, des imaginaires tactiles qu’il ouvre à notre raison. Or, l’analyse de ces gestes permet de repérer des périodes de mutation pour la vision, accompagnée de ses inventions instrumentales : le XXIe siècle contemporain, le XIXe siècle positiviste, la Renaissance, enfin la Préhistoire que les films revisitent, du classicisme hollywoodien à l’extrême contemporain, en passant par l’essai documentaire et le film expérimental. L’œil détourné désigne dans ce livre cette histoire oblique du cinéma, que suppose la mise à distance de l’acte de voir.
Nouée à l’œil par le montage, la main déjoue les cadres figés de nos façons de regarder et redessine d’un film à l’autre les contours de notre humanité : métamorphosée par l’animal, hantée par les machines, abîmée par le travail.
Emmanuelle André est professeur à l’université Paris 7-Diderot.Elle a publié des ouvrages qui relient l’esthétique du cinéma, l’histoire de l’art et l’anthropologie des images, notamment Esthétique du motif. Cinéma, musique, peinture (2007) et Le Choc du sujet. De l’hystérie au cinéma (2011). Elle écrit par ailleurs dans les revues Trafic, Art Press, Screen, Vertigo, CinémaS. Le motif de l’œil (détourné, relayé, distrait) hante ses travaux.
322 pages