Démoniak est une nébuleuse d’artistes œuvrant dans l’anonymat et une semi-confidentialité depuis une bonne dizaine d’années, dignes héritiers d’une constellation d’auteurs inconnus ou oubliés des comix et fumetti pornographiques et iconoclastes populaires qui ont traversé le XXe siècle.
Après une longue série publiée aux éditions Frémok autour de la figure du “justicier” masqué éponyme, Démoniak s’est attaqué à diverses personnalités publiques pour une série d’outrages de premier choix dans sa série “Épisodes déclassés”, hommage appuyé aux Tijuana Bibles américaines des années 1920.
Pour ce nouveau prolongement de sa geste, les Productions Démoniak vont cette fois lorgner vers la série Eros Negro, bande dessinée pornographique de gare des années 1980, rejouant ici strictement à l’identique le fumetto d’origine.
Et cette reprise frappe par sa singularité, questionnant l’acte même de redessiner autant qu’elle réinterroge avec pertinence — avec ses 30 ans de décalage par rapport à la publication originale — la place du Noir dans la psyché occidentale. Et c’est alors avec un à-propos des plus crus et des plus lumineux qu’Eros Negro (Jouer avec le feu) vient souligner d’un jet d’encre, de foutre et de feu, combien la culpabilité refoulée de l’héritage colonial trouve encore et toujours dans le champ du fantasme sexuel un espace propice à son expression dévoyée.