Juste en dessous du boulevard, l’atelier est bien caché, presque secret. Une quasi-invisibilité qui va bien à celle qui se pose périodiquement la question: «Comment dompter ma relation paradoxale à la réalité que j’aimerais laisser à la porte de l’atelier?»
Paradoxale aussi, et là encore tout en finesse et en profondeur, se révèle l’attitude d’Anne Peverelli face à son travail, toujours partagée entre le désir d’approfondir sa réflexion et le besoin de ne «surtout pas (se) comprendre tout à fait». C’est avec franchise et pudeur que, face à Françoise Jaunin, elle se prête au jeu du questionnement autour de ce mystère dont elle tient à préserver l’essentiel.
Au coeur de tout, il y a cette formidable nécessité existentielle: dessiner, dessiner et encore dessiner. Car à l’huile, la gouache, le lavis, la laque, le goudron, le ruban adhésif, le tipex ou l’élastique, et sur la toile comme sur le papier, c’est toujours de dessin qu’il s’agit. À la croisée du tactile et du conceptuel, à la jonction ambiguë de la deuxième et de la troisième dimension, et à la rencontre du presque rien avec la poésie qui capte cet état de grâce qu’il faut parfois si longuement se préparer à accueillir avant de le cristalliser, l’artiste évoque ses déambulations infinies entre points et lignes, ses explorations inlassables entre traces et coulures, ses espaces incertains, ses architectures hypothétiques, ses géométries improbables, ses moments de solitude, ses doutes permanents, ses cahiers d’atelier et ce bonheur incomparable et inépuisable que lui procure le dessin, encore et toujours.
Publication éditée dans le cadre des Rencontres arts et sciences de l’Espace CHUV. Postface de Caroline de Watteville.
68 pages