Ce livre propose une réflexion sur la signification des savoirs historiques en école d’art et de design, et plus particulièrement dans les formations en design graphique. Transmis pendant des siècles au sein des imprimeries, les savoir-faire des typographes sont peu à peu devenus, à partir de la fin du XIXe siècle, la matière d’écoles et d’académies plus ou moins spécialisées, développant autant sinon plus les compétences de conception que l’habileté d’exécution. Les « arts graphiques » sont devenus le « design graphique », cette discipline polyvalente occupée de la forme des textes et des images, souvent des deux à la fois, et s’exerçant principalement dans les domaines de la presse, de l’édition et de la publicité au sens large.
Répondant aux évolutions techniques et socio-économiques, la pédagogie du design graphique n’a cessé d’évoluer au cours du XXe siècle pour préparer au mieux les apprenti-e-xs graphistes à leur futur métier et en redessiner les contours. C’est aujourd’hui le développement des intelligences artificielles qui présente aux formations en art et en design le défi de se réinventer en tentant d’anticiper ce que feront, ce que seront les créateurs de demain. Dans ce contexte pédagogique fondamentalement prospectif, l’enseignement de l’histoire du design graphique occupe une place singulière. Il y a quelque chose d’à première vue assez paradoxal à cultiver simultanément la recherche du non vu dans les enseignements pratiques et l’étude d’objets anciens, de formes démodées, de manifestes au ton dogmatique, de techniques dépassées. Comment les savoirs historiques s’articulent-ils à la pratique du design graphique ? Comment les étudiant-e-xs s’en emparent-iels ? Quelles compétences de créateur-ices développent-iels au contact de cette matière ? Et en quoi les questions qui se posent autour de l’enseignement de l’histoire du design graphique aux apprenti-e-xs graphistes sont-elles très différentes de celles qui se posent au sujet de l’enseignement de l’histoire de l’art aux apprentis artistes ? Ce livre esquisse quelques éléments de réponse qui ne se contenteront pas de réitérer l’adage selon lequel le passé nourrit l’avenir. A la lumière de quelques expériences pédagogiques menées ces dernières années en Europe et aux Etats-Unis, il prend plutôt le parti de questionner frontalement ce qu’apportent aux jeunes graphistes l’exercice de la lecture d’images, de la recherche documentaire, de la mise en récit ; et de décrire des expériences fécondes et sensibles de rencontre avec l’histoire, ses traces, ses fantômes, ses héros et héroïnes.
96 pages