Thibaut Kinder collectionne, depuis 2014, des cartes SD trouvées sur des marchés de biffins, sur internet ou dans des magasins de matériel électronique d’occasion pour son projet « Exhumed photographs ». Le passage au numérique et les capacités de stockage offertes par la carte Secure Digital ont transformé notre façon de prendre des photos, en faisant notamment de chacun d’entre nous des apprentis photographes – plus ou moins compulsifs.
Ces cartes SD, adaptées à la multitude d’appareils qui nous entourent deviennent des réceptacles à vocations multiples. Sébastien Leseigneur les qualifie de « data fourre-tout idéal », sur lequel on a tendance à oublier ce qu’on y dépose. Mais, à l’instar de chaque mot publié sur Internet, chaque email envoyé, nos moindres faits et gestes digitaux sont archivés, conservés bon gré mal gré et ce, au-delà de toute suppression. Après un passage dans un logiciel de récupération de données, les cartes abandonnées révèlent rapidement et simplement leurs données, supprimées mais pas effacées. Thibaut Kinder a ainsi amassé près de 180 000 photos à ce jour. Exhumer ces photographies pose la question de la survivance de la mémoire – des mémoires. En présentant des clichés rigoureusement isolés puis réordonnés au préalable, sur Instagram ou Tumblr, clichés initialement condamnés à l’oubli, Thibaut Kinder leur offre un prolongement inattendu et un tout nouveau sens. « An Egyptian Story » réunit des photographies sélectionnées parmi quelques 14 640 clichés. Le prétexte d’une publication sous la forme d’un livre permet d’opposer au flux continuel des réseaux sociaux un autre rythme, que chacun peut s’approprier à la consultation de l’ouvrage. Si elles proviennent de 14 cartes SD différentes, les photographies sont en effet ici agencées de manière à proposer une narration plus articulée. Thibaut Kinder y révèle au monde, toujours avec pudeur, des bribes de vies inconnues, vocabulaire qu’il utilise pour nous conter une nouvelle histoire énigmatique.
116 pages
65 photographies couleur