édition bilingue (français / anglais)
20 x 29 cm (broché)
60 pages (ill. coul. et n&b)
Les numéros 16 à 18 (saison 2) de la revue critique consacrée au graphisme.
n° 16 — Une reproduction : Ce que veut El Lissitzky. Auteur : James Langdon
Je suis rarement satisfait quand je vois une production graphique imprimée à l’origine dans deux encres reproduite en quadrichromie. Avant l’avènement commercial de l’impression offset, les couleurs élémentaires d’impression – de Gutenberg à Tschichold – étaient le noir et le rouge. Au début du XXe siècle, les graphistes utilisaient le noir et le rouge non pas pour tenter de recréer le spectre de couleurs reconnu par l’œil humain, mais bien pour donner un impact graphique singulier. Pour faire la distinction. Pour créer du dynamisme. Incarner une idéologie dans la page. En particulier, la combinaison de noir et de rouge sur du papier blanc est devenue synonyme du Suprématisme et du graphisme révolutionnaire russe.
Les procédés de traitement d’image contemporains peuvent permettre des reproductions extraordinaires de cette esthétique historique. Une photo numérique haute résolution d’un livre original imprimé en noir et rouge des années 1920 peut être traitée à l’aide d’un profil de couleur afin de calibrer son apparence à chacune des étapes de travail : la correction des couleurs dans les logiciels, l’épreuvage et l’impression. Cette méthode de travail permet finalement d’obtenir une image belle et précise de cet artefact graphique tel qu’il se présente aujourd’hui, jusqu’aux détails les plus fins de sa patine, de sa décoloration due à l’exposition au soleil et aux nombreuses autres subtilités qui le définissent comme un objet d’archives.
Mais une telle reproduction présente un étrange anachronisme technique. Qu’en est-il des contraintes qui ont à l’origine façonné la conception de ce livre – le lien implicite entre les deux couleurs de son graphisme et l’architecture de la presse à une ou deux couleurs sur laquelle il a été imprimé ? Ne sont-elles pas importantes ? Peuvent-elles être reproduites ?
Je compare ici les reproductions imprimées de l’iconique couverture noire et rouge du livre Die Kunstismen (1925), conçu par le russe El Lissitzky. Publiées entre 1967 et 2017, ces images traitent des caractéristiques matérielles de la couleur du livre original de différentes manières, faisant appel à des notions contradictoires de fidélité.
n° 17 — Un acronyme : ACAB. Auteurs : Ariane Bosshard, Jérôme Dupeyrat, Olivier Huz et Julie Martin
L’acronyme ACAB, souvent vu dans l’espace urbain sous forme de graffitis ou de stickers, est apparu au Royaume-Uni dans les années 1970 en lien avec la culture punk, et y a été popularisé lors des mouvements sociaux des années 1980. Signifiant « All Cops Are Bastards », il s’est largement répandu dans l’espace public international ces vingt dernières années, dans le sillage de diverses mouvances politiques, de l’altermondialisme aux gilets jaunes en passant par le black bloc et les ZAD, et en faisant également l’objet de diverses variantes telles que « All Capitalists Are Bastards », « All Colors Are Beautiful » ou encore « All Cats Are Beautiful ».
Observer les inscriptions ACAB (ou 1312, en version chiffrée) permet de traverser de multiples terrains politiques, mais aussi plusieurs cultures visuelles (anar, punk, hip-hop, LOL) parmi lesquelles migre cet acronyme. C’est au cours de cette circulation scripturale, graphique et visuelle qu’il devient à la fois un signe de reconnaissance et un énoncé polysémique.
n° 18 — Une visite d’atelier : le studio d’Ines Cox. Auteures : Manon Bruet et Julia Andréone
Trois femmes entrent dans un bar. La première vit dans un grand appartement à Anvers, en Belgique. La seconde est une graphiste indépendante qui a fondé son propre studio. La troisième est un avatar – vous la connaissez peut-être – qui a un intérêt certain pour les procédés créatifs, les interfaces et leurs vocabulaires. Ensemble, elles mangent des pistaches, commandent des vodkas et ne sont pas sûres de pouvoir se lever pour donner cours le lendemain à la Royal Academy of Fine Arts. Mais ensemble, elles forment surtout la troublante personnalité multiple d’Ines Cox, graphiste belge que Julia Andréone et Manon Bruet sont allées rencontrer dans son atelier en juin 2019. L’occasion de mener un récit à trois voix et de dessiner les contours d’un parcours, d’une pratique et d’un personnage.