Voyage nocturne commencé tamisé au bar où tu t’enivres avant de reprendre la route – c’est le petit matin – de l’atelier du 7 Reece Mews, au troisième palier pousser la porte, franchir le mystère des lisières s’engouffrer. Exil de l’abattoir. Au sol des milliers des élevages des réserves d’images. Photographies journaux documents – détritus. Au sol jonché un monde foulé un monde dilaté. Au sol le travail d’après. Chaque pas chaque déplacement, démaîtrise du chaos. Chaque enfoncement chaque obsession, vigueur physique de l’image.
À la question « Quel écrivain vous a influencé ? », je répondrais sans hésiter : Francis Bacon. S’il n’est pas écrivain, il a toujours été une source essentielle d’inspiration et un guide : jamais je n’écrirais « d’histoires », mais je chercherais à écrire une langue, un langage, qui s’adresserait au corps, à la sensation, au système nerveux, une langue la plus vivante possible, la plus incarnée. Source de mémoire, d’émotion, de poésie, l’archive tient une place primordiale dans la construction de mon écriture.
Ainsi, pour rendre hommage à Francis Bacon, peintre qui utilisait les archives, les photographies, toutes les images en leur durée, leur dégradation, leur surface et leur profondeur, j’ai travaillé à partir et avec ses propres archives, ses portraits, ses objets. Conservées par un amoureux de Bacon, ces archives donnaient corps à ma passion. Ardente filature à travers le geste et la matière, je tente une étude pour un portrait de l’artiste, par l’archive et la poésie, je m’approche au plus près d’une création flamboyante et déchirante, solitaire et universelle.
Perrine Le Querrec construit une langue et un regard à la poursuite de mots réticents, de silences résistants. L’archive et l’image – leur étude, leur manipulation – occupent une place essentielle dans son écriture. Parmi ses dernières publications : Les Tondues (Z4 éditions), Le Plancher (L’éveilleur éditions) ; Ruines (éditions Tinbad), La Ritournelle (éditions Lunatique).